Cela doit faire des années que je ne suis pas allée dans une église. Quand j'étais plus jeune, il m'arrivait de me rendre à la messe le dimanche avec ma grand-mère. Elle était très croyante et prier très souvent Dieu pour qu'il veille sur ma mère, espérant qu'elle retrouve un jour le droit chemin. Au début, je priais également avec elle, voulant que ma mère aille mieux, qu'elle redevienne cette mère qu'elle était autre fois avant la mort de papa. En grandissant, j'ai fini par me dire que qu'importent les prières, les ahmens et tout ce qui va avec, personne ne répondrais jamais à mes appels. Est-ce que Dieu existe vraiment ? Je l'ignore, mais si il est vraiment là-haut dans le ciel, alors il doit tenir la main Satan.

Depuis le premier juin, je n'étais pas retournée en cours du soir sur l'art. Je n'avais même pas reprit le boulot, à cause de mon état santé. Je me retrouvais à présent, presque cloué dans un fauteuil roulant, avec l'obligation de me déplacer uniquement de la sorte. À l'appartement, Chappie m'aide et me porte, afin que je n'aie jamais besoin de me relever. On fait cependant quelques exercices pour mes jambes, tout en restant allongé, afin que les muscles restent toujours actifs.

Le fait de rester coincé dans cette chaise est une chose vraiment pénible. Je me rends compte à quel point notre monde n'est pas adapté pour les personnes à la mobilité réduite. Par exemple, rien qu'ici, dans cette église, rien n'est adapté pour une personne en fauteuils roulant. J'ai dû faire des pieds et mains pour rentrer déjà, et les ailés, à personne celle du milieu, sont à peine assez larges pour moi et mon fauteuil. À moins que cela soit moi qui me débrouille comme un manche en ne roulant pas droit. C'est si fatiguant et si compliqué à diriger. Je suis souvent obligé de faire de nombreuses pause, afin de pouvoir souffler et reposer mes mains engourdis. J'essaye d'éviter au maximum de demander de l'aide. Après tout, je vais être maman, une mère célibataire qui plus c'est, et je me dois de savoir me débrouiller seul.

Enfin, ma situation physique à l'air de faire pitié à pas mal de monde, surtout dans une église. Sans que je n'aie rien demandé à personne, me voilà dans les bras d'un homme, que je ne connais ni d'Eve, ni d'Adam. Un soupir d'exaspération discret s'échappe de mes lèvres. Il est vrai que j'étais en train de galérer à essayer d'ouvrir la porte de ce confessionnal, tout en me demandant comment j'allais faire pour y entrer. Mais bon, de là à me faire soulever de la sorte pour me faire m'asseoir à l'intérieur tel un enfant. Un nouveau soupir s'échappa cette fois de mon nez. Je remercia tout de même l'homme pour son aide, avant de me tourner vers la grille ou je vus personne. Sans déconner ? J'ai fait tout ça pour rien ? Je laissa ma tête retomber en arrière, venant heurter le mur en bois. Je devrais sans doute partir, mais je n'ai clairement ni la force, ni la volonté, ni même l'envie finalement. Je me sens lasse. Je sens soudainement des larmes monter à mes yeux. J'ai envie de m'effondrer en larme. Peut-être que je pourrais me laisser aller quelques minutes ici. Après tout, personne ne le saura, non ? Enfin, j'entendis soudainement la porte d'à côté s'ouvrir et entre aperçu quelqu'un à travers la grille.

« Heu... Je... Heu, pardonnez moi mon père. Je suis surprise de vous voir, j'ai pensé que... Non, rien... C'est la première fois que je rentre dans un confessionnal. Je ne sais pas trop... Dois-je commencer par une prière ou quelque chose dans le genre ? »

En ce moment, je me sens très souvent à fleur de peau. Je ne sais pas si c'est la grossesse qui me rendent ainsi, ou bien si c'est à cause des événements du premier juin. Il faut dire que mes nuits ne sont plus pareilles depuis ce fameux jour et je pense que c'est pour tout le monde pareil, pour tous ceux qui étaient présents dans la salle. Je sursaute finalement quand une porte claque, quand un truc casse, tombe ou fait un quelconque bruit un peu trop fort. Sans parler qu'un rien me met en émoi, un chiot, un bébé dans une poussette, une petite fille qui a perdu son ballon, un vieux couple qui s'embrasse, ... C'est simple, j'ai l'impression de passer mon temps à pleurer pour tout et surtout pour rien. J'essaye de faire mon maximum devant Chappie pour ne pas fondre en larme, pour ne pas l'inquiéter, mais je suis une vraie fontaine humaine. Et à l'instant présent, je voudrais simplement pleurer, car je me retrouve seul et abandonné dans ce confessionnal.

Je me sens rassuré et soulagé en entendant la porte d'à côté s'ouvrir. C'est comme un ange venait me dire que je n'étais pas totalement seul dans ce monde. Oui, c'est vrai que, autant je pleure pour un rien, autant je peu avoir une immense joie brusque sans trop le comprendre. Là, par exemple, je me sens tellement heureuse de savoir qu'un prêtre soit venu dans le confessionnal. Je m'excuse auprès de l'homme qui vient d'arriver, lui expliquant que je ne suis jamais confessé jusqu'à aujourd'hui. J'espère qu'il ne m'en voudra pas trop...

Heureusement, l'homme, ici présent, juste de l'autre grille, me rassure de part ses paroles. J'entends beaucoup de bienveillance dans sa voix, et cela me fait du bien. Cela m'encourage à parler, même si j'ai un peu honte de tout ce que je veux avouer. Pourtant, il n'y a pas de raison, tout ce que je dirais là, restera là et j'ai besoin de me confier à quelqu'un. Je pourrais en parler à Chappie, à Greg, à Skaan, ... Mais non, je ne peux pas... J'ai trop honte, je n'ai pas la force de tout leur dire.

Un triste soupire trahis mon cœur, alors que me penche un peu en avant, posant ma tête entre mes mains.

« Je ne sais pas par où commencer mon père... J'ai tellement de chose qui me travaille en ce moment, tellement de peur... Par exemple, cette peur de devenir mère. Je... Je suis enceinte, mais il n'y a pas de père à cet enfant. C'est un homme que j'ai rencontré comme ça, ce n'est même pas un ami. On a couché ensemble et puis voilà... »

Je viens poser mes mains sur mon ventre, comme espérant sentir quelque chose de la part de ce bébé qui vie en moi.

« Est-ce que je fais le bon choix en décidant de le garder ? Alors que je l'élèverais seul ? Dois-je d'ailleurs en parler à cet homme de ce bébé ? »

Au début, je n'ai pas vraiment compris que j'étais enceinte. Je me disais juste que j'avais une horrible gueule de bois qui avais du mal à passer. J'ai tendance à abuser, certains soirs, sur l'alcool, surtout quand j'ai le sentiment que ce loup de la solitude pèse beaucoup trop sur mes épaules. Il faut dire que même si j'ai des amis, ils sont tous en couple ou amoureux de quelqu'un, qui n'est pas moi d'ailleurs. Alors, oui, je l'avoue, j'ai tendance à avoir la main un peu lourde sur la vodka, le whisky, le rhum ou je ne sais quoi d'autre. Et en plus, au lieu de boire tranquillement seule chez moi, afin d'éviter les problèmes, je vais dans un bar, espérant que quelqu'un finisse remplisse mon verre. C'est comme ça que je finis bien souvent dans les bras d'un homme. Et c'est aussi comme ça que j'ai finis enceinte.

Quand j'ai compris que j'étais enceinte, j'ai pris peur. J'ai totalement paniqué, au point de fondre en larme. Je m'étais toujours dit que cela ne pouvait pas m'arriver à moi, que ça arrivait toujours aux autres. Le médecin qui a confirmé ma grossesse, a bien vite compris, en me regardant, que cette nouvelle ne m'enchantait guère. Il a été très gentil avec moi et m'a parlé calmement de l'avortement, me laissant le temps d'y réfléchir. Au début, je me disais que cette option était sans doute la meilleure. Elle était mieux pour moi, ainsi que pour lui.

Mais... Maintenant que j'ai eu peur d'avoir failli le perdre, je veux prendre soin de lui plus que n'importe qui d'autre. Pourtant, est-ce la meilleure solution ? Je l'aime énormément ce bébé, même si je ne l'ai encore jamais tenu dans mes bras. Je pense déjà à des prénoms pour lui. Je regarde les berceaux, les poucettes. Je me renseigne même sur le meilleur moyen pour élever un enfant en tant que mère célibataire. Cependant, est-ce que je fais bien ? J'avais besoin de conseil, d'être rassuré, de savoir si je prenais réellement la bonne décision.

Je sens une larme perler sur mes joues en entendant les paroles du prêtre. Cela fait tellement du bien d'entendre les conseils d'un homme aussi sage que lui. Je compte bien donner tout l'amour du monde à cet enfant. De plus, le prêtre à raison, je devrais le dire au père de l'enfant, mais... J'ai tellement peur de sa réaction. Surtout que c'est un homme déjà en couple avec une autre. Je ne voudrais pas détruire leur relation...

« Je vous remercie beaucoup pour vos paroles, mon père. Vous avez surement raison, je devrais en parler au père, mais... J'ai peur de sa réaction... Et si je détruisais sa vie sans le vouloir ? J'aime cet enfant, je l'aime déjà énormément, mais j'ai peur que cet homme se force à l'aimer... Cela ne serait pas pire pour cet enfant d'avoir un père-là, mais montrant clairement qu'il ne l'aime pas vraiment, plutôt qu'un père absent. »