Je dévisageais Joe quelques secondes lorsqu’il me demanda quoi faire. C’était la première fois que je disais à un client - un très bon client - de faire attention avec les cachetons. Alex, le sentimentalisme c’est pas bon pour ton business.. Je soupirais avant de me passer une main dans les cheveux, tirant de nouveau sur ma cigarette. La réponse était simple. Il fallait qu’il baisse de nouveau ses doses, jusqu’à atteindre une dose infime, puis arrêter. Et j’allais perdre un de mes meilleurs clients. Alex, franchement… Apprends à fermer ta gueule, parfois. Sérieusement. Je regardais de nouveau Joe de mes grands yeux bleus, tirant encore sur ma cigarette.
« Tu dois diminuer les doses doucement, jusqu’à atteindre une dose infime puis arrêter complètement. C’est la manière la plus douce, la plus sûre et la moins dangereuse d’arrêter un médicament pareil. Et si il t’en reste et que t’en veux plus, ou que t’en as plus besoin, t’aura qu’à me les rendre ou les jeter, comme tu veux. J’ai d’autres clients accrocs à fournir. »
Je souriais légèrement à ces mots, ayant tenté de faire un trait d’humour. C’était rare que je me laisse aller devant un client, mais Joe me semblait sympathique. J’avais envie de parler avec lui, de rire avec lui, de partager un peu de temps dans cette vie merdique. Il adoucissait un peu les moeurs avec sa naïveté et sa générosité. Je finissais mon énième cigarette et l’éteignait dans le cendrier prévu à cet effet, avant de reprendre une gorgée de café. Je l’observais encore quelques instants, sans jamais perdre mon petit sourire. Il me remerciait pour ma franchise.
« Je vais pas te mentir, je sais même pas pourquoi je l’ai été. Je crois que je t’aime bien, j’ai pas envie que tu crèves d’une overdose. »
Je mettais souvent les gens mal à l’aise avec mon humour noir et mon sarcasme, et je le comprenais ; mais c’était plus fort que moi, ça sortait tout seul. Je me râclais la gorge avant de reprendre une gorgée de mon délicieux café. Ya toujours un tas de choses à dire sur soi. Même pour le plus banal des gars. Je haïssais les sourcils, mon sourire s’agrandissant. Eh beh, ce Joe ne lâchait pas l’affaire, il voulait vraiment apprendre à me connaître de manière… Gentille. Pas pour me faire un sale coup ou déterrer une faiblesse. Juste pour apprendre à me connaître. Cela me semblait tellement étrange… A quand remontait la dernière fois que j’avais appris à connaître quelqu’un pour la personne, non pas pour la voler, la baiser, la niquer, lui voler son plan ? Joe méritait bien quelques petites miettes de pain.
« J’ai arrêté l’école quand j’avais seize ans, fallait bien payer les factures. A seize ans, sans diplôme, sans rien, dealer était métier le plus simple et le plus à portée de main. - Je haussais les épaules. - Alors j’ai continué depuis toutes ces années, parce que c’est plus facile. Et toi ? »
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Lun 27 Avr - 19:38
Quelques cachetons entre amis...
J'écoute ses instructions. J'espère que je vais réussir à réduire. Ca me dégoute d'être dépendant d'une merde pareil. Je grimace un peu avant de le remercier pour sa franchise. Je ris doucement alors qu'il dit qu'il m'aime bien et qu'il ne veut pas que je crève d'une overdose. Je lui adresse un sourire taquin ainsi qu'un mouvement de tête ironique.
- J'apprécie. Merci.
Moi aussi je l'aime bien. Il semble être quelqu'un d'entier. Et je suis sûr qu'il a une histoire passionnante. Je le sens... Il a vécu des choses. Comme moi. Je suis sûr qu'on se ressemble plus qu'on ne le pense.
Je tente alors de le mener à parler en le taquinant un peu, lui disant que même le type le plus banal de l'histoire a toujours des choses à raconter. Et ça fonctionne. Il m'en dit un peu plus. Il ne dit pas tout bien sûr mais on a tous des parts d'ombres dans notre vie dont on n'a pas envie de parler. Je lui souris amicalement, ravi qu'il m'en dise un peu plus.
- J'comprends. J'ai connu un peu le même schéma que toi. Sauf que je suis arrivé à la boutique d'androïde à la place. Je suis du genre à bien aimer la stabilité alors... L'illégalité c'est pas trop mon truc.
Moi-même je ne dis pas tout. Je ne dis pas que de toute façon, il me fallait un boulot légal pour éviter d'attirer l'attention de la police, étant donné que j'avais tué mon père... Que je devais me faire oublier. Me fondre dans cette masse qu'est la société...
Je termine ma bière. Je n'ai pas envie qu'on se sépare en si bon chemin. J'espère qu'on va rester encore quelques heure à cette terrasse de café. Il fait beau. On est bien ici, en bonne compagnie.
Un léger silence se fait entre nous. Rien de pesant. C'est même plutôt agréable... Alex fume sa cigarette, et moi, je penche légèrement la tête en arrière, fermant un instant les yeux pour profiter du soleil qui caresse mon visage.
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