Parfois, j'ai le sentiment que ma vie est au point mort. Je n'avance pas, mais je ne recule pas pour autant. Les jours se répètent et se ressemblent. Cours. Boulot. Dodo. Mes semaines ressemblaient à ça. Et mes week-ends étaient chargés, par le boulot et les répétitions de danse. De temps en temps, j'arrivais tout de même à me libérer une heure ou deux, afin d'aller voir mon père à l'hôpital. Cela faisait dix ans qu'il était dans le coma. Dix ans que je gardais l'espoir qu'il ouvre un jour les yeux. J'avais bien conscience, après toutes ses années, que la chance que cela arrive, soit... inexistante... Cependant, je gardais toujours cet espoir. Un espoir, bien qu'infime, qui arrivait à me pousser à me rendre jusqu'à cet hôpital et rester près de lui, à scruter ses paupières, à la recherche d'un signe... d'un mouvement... d'un espoir...

Et cet espoir... Il venait d'apparaitre sous mes yeux.

Je n'arrivais pas à bouger, ni à parler. J'étais... comme tétanisé sur place. J'étais là. Debout. Immobile. Un verre vide à la main. Ce qui venait de se passer, sous mes yeux, était totalement irréel. Mon père... Je venais de voir mon père apparaitre sous mes yeux. Mon père. Mon père qui est dans le coma. Je venais de le voir passer le pas du seuil du café, en marchant tout à fait normalement. Il était entré dans mon champ de vision et avait disparu en une fraction de seconde. Je n'avais pas réussi à bouger, à suivre ce fantôme du regard. Je n'avais pas pu voir mon père. Cela était impossible. Mon père est dans le coma. J'avais dû confondre. Est-ce que j'avais des hallucinations ? Était-ce possible ? Serais-je devenu folle, à force de vivre chaque jour la même journée ?

Lentement, je me tourna, cherchant ce fantôme du regard. Non... Ce n'est pas... Mon cœur battait au ralenti, comme osant battre trop fort et déconcentré mon esprit déjà perturbé. Là. Assis dans un coin du café. Il était là. Non. Il ne pouvait pas être là. Pourtant... Je le voyais bien. C'était bien mon père que je voyais. Me trompais-je ? Était-ce... un double de lui ? Il paraît que nous avons tous un jumeau dans ce monde. Était-ce le sien ?

Mes jambes se mirent à bouger d'eux-mêmes, comme guidé par mon regard qui fixait... ce fantôme. Plus j'approchais, plus je voyais distinctement chaque trait de son visage. Le visage de mon père. Ses yeux. Ses pommettes. Son nez. Sa bouche. Ses cheveux. Tout... Ce fantôme ressemblait trait pour trait... à mon père... Mais cela ne pouvait pas être possible...

Je... Excusez-moi...

Ma voix était basse, presque tremblante.

Comment... Comment tu t'appelles ?