Peut-être qu’il pouvait exploser le boîtier, voir si ça marchait mieux. Ca lui semblait être une bonne idée. La première idée qui lui était venu. Mais, pour une fois, il retint son impulsivité. Se rappelant qu’il pouvait à la rigueur tenter de bidouiller un truc.
Est-ce que ça marcherait ? Peut-être pas.

Tout avait commencé, quand Leander était rentré dans ce bâtiment, et avait pris l’ascenseur. Il devait aller voir quelqu’un pour réparer un truc chez lui, ou quelque chose du genre. Il était devenu le réparateur préféré de tout le monde.
C’était faux.
Il s’était fait quelques relations, mais il restait caché. Il ne disait pas s’appeler Leander, d’abord, premièrement. Ensuite, il portait parfois des lunettes, des fois la barbe, parfois des vêtements flashy. Il changeait selon le moment où il voulait ne pas se faire remarquer. Il s’était même trouvé une casquette de réparateur.

Leander cette fois, avait une moustache, des lunettes « de vue », et une tenue relativement sobre, mais faite pour bricoler.
Seulement, il n’avait pas ses outils. On lui avait affirmé qu’il aurait les outils à domicile.
Sauf qu’il n’arriva jamais au domicile.
L’ascenseur se bloqua avant.
C’était bête qu’à une ère comme 2054 où même les androids existaient, il fallait toujours intervenir sur les ascenseurs. Mais à y réfléchir, Queens n’était pas non plus Manhattan, et il restait encore quelques anciens bâtiments toujours si peu modernes.
Leander, avait oublié qu’il pouvait y avoir quelqu’un autour de lui. Leander, s’exprima. Parce que l’ascenseur qui se bloque, ça l’agaçait.

- P’tain de merde ! C’quoi c’te merde ? J’vais t’défoncer connard !

Et, à défaut de taper sur le boitier éventuel ou sur les touches, il donna un bon coup dans les portes, histoire de voir si ça marchait.
Sauf que Leander n’était pas patient, et ne voulait pas rester ici.
Il sembla enfin remarquer qu’il n’était pas tout seul. Les lumières restaient allumés, même si l’ascenseur était éteint.
Il se tourna vers le type :

- Toi, t’as d’quoi réparer ? Un tournevis, une merde du genre ?

Il lui parlait comme un chien, ce qui était, venant de Leander, une belle preuve d’amour.
Ou pas.

Peu importe qu’il ne fut pas seul. Dans tous les cas, l’autre semblait avoir appuyer sur l’appel d’urgence. L’abruti. Comme si ça allait changer grand-chose. Ca ne changeait jamais grand-chose. Ca donnait toujours juste un temps d’attente qui ne fut guère surprenamment long. Leander grogna un peu plus. Surtout que l’autre ne semblait pas avoir de tournevis. Du moins, il n’avait rien répondu à ce propos.
Génial. Parfait. Ouais.

Leander se sentit un peu plus énervé, encore plus quand le type lui demanda s’il avait un téléphone avec du réseau. Pour des raisons de discrétion, et éviter de passer pour un type bizarre, et aussi parce qu’il n’avait plus sa LED, Leander gardait toujours un téléphone jetable sur lui. Il le changeait souvent, pour éviter de se faire tracer, sait on jamais.
Il fouilla dans sa poche et regarda donc son téléphone qui semblait plus vieux que l’ascenseur lui-même.

- Nan, j’ai pas de réseau, et c’pas ça qui va faire bouger ce merdier. Si t’as pas de tournevis, t’sers à rien, en plus.

Leander était…Un poil trop franc, mais il était amer de se retrouver coincer. C’était désagréable, et même s’il n’était pas spécialement claustrophobe, il n’avait guère envie de rester là. Plutôt que de s’asseoir, il observa la structure même de l’ascenseur.
Ses yeux analysèrent la situation tandis que ses données s’accumulaient dans sa « cervelle ».

- M’okay, je vais tenter un truc.

Et sur ces mots, il fouilla ses poches, et trouva son trousseau de clé. Il en avait toujours sur lui, pour ouvrir des portes.
Quelles portes ? Des portes. Celles qui n’étaient pas automatisées. Il avait un passe partout, après tout. Et même si celui-ci ne fonctionnait pas partout, il pouvait tout de même être pratique.
Se penchant sur les touches de l’ascenseur, il commença à bidouiller, en râlant parce qu’une clé n’était pas un tournevis.

- C’est de la merde ce truc, putain. T’as une clé, du genre plus petite, ou un truc pointu ? demanda-t-il avant de faire une pause et faire : nan laisse tomber j’suis sûr que t’as rien sur toi, t’as l’air d’un vieux clampin pas doué.

Et sur ces mots, il continua d’essayer de démonter le panneau de l’ascenseur.

Leander ne comprenait pas forcément pourquoi donc que souvent les gens lui parlaient mal. Il ne prenait pas conscience qu’il leur parlait mal aussi. Un androïd de chantier savait se tenir poliment devant son propriétaire, mais sinon ? Sinon rien, sinon il faisait bien ce qu’il voulait du reste du monde.
Alors même dans ses programmes, Leander avait juste la politesse de base. Ce qui… Etait prouvable vu son comportement.
Du coup, quand l’autre s’énerva, Leander le trouva juste chiant. Comme si c’était le moment. Il voulait qu’il lui répare l’ascenseur ou pas ? Il fallait choisir !

Surtout qu’à le tenir comme ça, il semblait ridicule. Ils faisaient peut être la même taille, mais même. L’androïd était bien plus fort que lui.
L’autre lui cria dessus pour son fiancé, et le traita subtilement d’incompétent.
Chose que bien évidemment, et sans surprise, le déviant n’appréciait vraiment pas.

- Okay t’es vraiment con ou quoi ?! Tu me prends pour qui ? Un teubé ? J’suis réparateur dans la vie !

Et il avait suffisamment de données sur les réparations pour bien s’occuper d’un ascenseur.

- Alors maintenant tu m’lâches, et j’vais p’têtre pouvoir faire quelqu’chose !

En vrai, Leander se tenait un minimum, parce qu’il rêvait de défoncer ce type. Mais il n’avait pas envie de se faire exploser avec, et l’ascenseur était trop étroit pour se permettre de tenter quelque chose.
Donc. Rester calme, et allez jusqu’au bout des choses.
A peu près.
Leander repoussa le type, et regarda le panneau :

- Et j’suppose qu’t’as même pas c’que je te demande. T’sais quoi. J’en ai rien à faire d’ton fiancé, mais s’tu veux qu’il aille bien, va falloir y mettre du tien, okay ?!

Même si Leander allait devoir trouver comment occuper ce type s’il avait rien d’intéressant comme objet pour l’aider.
Mais ça au pire ça pourrait se régler vite :

- Alors vide tes poches, fous les au sol, et j’veux tout voir. Et après, j’vais te demander un autre truc alors perds pas ton temps !

Leander ne se rendait parfois pas compte combien il pouvait être désagréable. Il avait un sale caractère naturellement, donc l’idée d’avoir l’air horriblement chiant à quelqu’un, ne lui venait même pas à l’esprit. La preuve qu’il ne comprit pas pourquoi l’autre lui demanda pour le contrôle de police d’une manière si dédaigneuse.
Etait-il un crétin ou bien ? Leander avait besoin d’avoir le plus d’informations possible pour savoir ce qu’il pourrait utiliser pour démonter ce maudit ascenseur et s’en sortir.
Il regarda le contenu donc, des poches.

Pour la cocaïne ça ne servirait pas à grand-chose, sinon à faire des confettis si on le lançais. En tout cas, Leander ne sembla même pas le juger là-dessus. Pour le trousseau, il le prit. Pour le tube, il regarda ce que c’était et secoua la tête en le reposant, conscient que ça ne servirait pas. Et pour le portefeuille, il fouilla dedans, pris une carte qui ne semblait pas avoir grande importance – donc certainement pas la carte bancaire – et reposa le portefeuille.

- Je vais tenter d’te les rendre en morceaux.
L’autre semblait paniquer plus qu’autre chose, et Leander qui avait les mesures de secours inclus dans son code, savait ce qu’il fallait faire quand quelqu’un paniquait.
Mais il aurait voulu que l’autre soit calme pour qu’il l’aide avec l’ascenseur.

- Bon j’vais m’débrouiller si tu peux pas…. Grommela-t-il avant de regarder le panneau

Maintenant, il fallait tout faire pour le démonter.
Il fouilla ses propres poches et lâcha un « oui » de victoire, qui sortit tout seul, alors qu’il se saisit d’un trombone. Ca pourrait être encore mieux.
Finalement, la question se posa soudain.
Il pouvait analyser le panneau, voir comment il était. Mais pour ça…Il allait devoir jouer à l’android et laisser sa main prendre forme robotique.

Sauf que l’autre derrière ne devait surtout pas s’en rendre compte.
Alors, il se plaça devant le panneau de façon à ce que l’autre ne voit rien et il alla même le distraire

- Si jamais tu paniques, respire lentement. Si t’as des sueurs, des vertiges, ce genre de merde, tu me dis.

En même temps, il posa sa main sur le panneau et souffla en se concentrant sur celui-ci pour l’analyser. Les données lui vinrent rapidement, et il eut un sourire. Il savait très bien ce qu’il devait faire.

- Okay, j’pense pouvoir gérer. Si tu arrives pas à respirer lentement, tu prend ton portefeuille et tu respires dedans comme un sac en papier. Ou ton paquet de cocaïne là, tu le vides et pareil.

Pourquoi l’aidais-t-il ? Pourquoi Leander lui disait ce qu’il fallait faire si jamais il paniquais ? Peut-être parce qu’il n’avait pas envie de se retrouver avec un crétin en panique dans l’ascenseur.
Et peut-être parce qu’aussi, être déviant, ça signifiait aussi faire preuve d’empathie.
Et que l’empathie, c’était ressentir l’autre.
Leander commença à démonter le panneau délicatement, avec la clé et la trombone, tout en jetant des coups d’œil vers son compagnon d’infortune.

Leander n’avait pas envie de se retrouver avec un type en pleine crise de panique. Il savait les calmer, mais ça ne voulait pas dire qu’il en avait envie. D’abord, lui, il voulait sortir de l’ascenseur, pour être tranquille, pouvoir faire son boulot, et vite rentrer.

Du coup, Leander prodigua quelques conseils, tout en essayant d’ignorer le fait qu’il ressentait cette panique intense de cet homme qui lui inspirait presque pitié. Ah, c’était ridicule, n’est-ce pas ?
Leander essaya de se concentrer, et entendit l’autre ouvrir son paquet de cocaïne. Mais certainement pas pour le vider, finalement, il parut plutôt le sniffer. Le déviant se dit qu’il faisait bien ce qu’il voulait, tant qu’il se calmait. Il sembla aller mieux.
Il l’avait aussi remercié, peu avant mais Leander n’avait rien répondu.
Il n’avait pas l’habitude qu’on lui dise merci.
Il ne savait pas comment gérer avec ça. Alors il avait préféré se taire, et maintenant, l’autre lui demandait s’il voulait de la cocaïne, avant de se présenter.

Le déviant eut un sourire en coin. Il pourrait toujours sniffer le paquet complet, qu’il n’en ressentirait aucun effet.
Il se retourna vers lui :

- Nan j’prends pas c’genre de trucs pour me détendre.

En même temps, Leander ne faisait jamais rien pour se détendre, à part exploser. Ce qui..N’était pas la solution, certes.

- Et j’m’appelle Brenton.

Il donnait toujours un faux nom pour ne pas avoir de soucis. Il n’avait pas envie qu’on le reconnaisse, même juste avec son nom, que lui avait donné son propriétaire.
Il continuait son bricolage :

- Au fait, Skaan, je vais avoir besoin de toi à un moment. J’espère que t’as pas peur des hauteurs. Mais avec ta consommation, j’imagine que t’as plus peur de rien.

Il ne se moqua pas. Il aurait pu. Mais si Leander était très franc, il ne se moquait pas toujours. Et puis, ce n’était pas le moment de la provocation volontaire – parce qu’avouons le, le déviant provoquait souvent sans le vouloir -. L’heure était à réparer l’ascenseur.
Il continua de bidouiller le panneau et râla :

- C’est vraiment de la merde ces anciens modèles.T’es pas d’accord ?

Autant essayer de faire la conversation, même si en fait, Leander était pas du tout doué à ça.